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pour ou a cause d'un rêve

La fin tragique d'un symbole?

La mort d'une jeune personne, dont on ne parle que pour le symbole?La mort d'une jeune personne, dont on ne parle que pour le symbole?© France2

Tout le monde a perdu. Hier, 23 août 2012, une petite information tombe : Samia Yusuf Omar, une athlète Somalienne s’est noyée en avril 2012 en tentant de gagner les côtes de l’Europe, une athlète, une femme, elle avait 22 ans. Moi, personnellement, je mettrais ce destin à la une des journaux, et si j’en avais les moyens j’en ferais un film…

Je dois être un adolescent attardé, mais cette information et le destin de cette jeune femme me bouleverse.

Une information qui pour moi efface tout discours sur l’Olympisme.

C’est tellement beau les Jeux Olympiques, cela rempli le JT, et permet de dresser une forêt de médailles pour empêcher de voir la réalité de la situation. Effacer nos soucis, effacer la crise, nos dettes, et le reste. Quinze jours, de « on a gagné, on a gagné » à la télé cela n’a pas de prix. On se doit de crier comme le 6 mai à la Bastille. Les Jeux Olympiques c’est gagnant, gagnant, gagnant.

Le dérèglement climatique passe à la vitesse supérieure, la glace de Groenland fond, et nous devrions fondre de bonheur en écoutant la Marseillaise. Si la télévision mobilisait autant de moyens pour parler de la faim dans le monde, en quinze jours, tout le monde mangerait.

 Je lis dans le Figaro, c’est mieux de lire cela dans un tel journal, cela fait plus vrai : L'athlète Samia Yusuf Omar a péri noyée en avril dernier alors qu'elle tentait de rejoindre l'Italie depuis les côtes libyennes. La sprinteuse, âgée de 22 ans, qui avait représenté la Somalie aux JO de Pékin en 2008, n'a pas survécu à une traversée en Méditerranée à bord d'une embarcation de fortune, relatent mardi des médias italiens. Le drame a été révélé par Abdi Bile, champion du monde somalien du 1500 mètres en 1987, qui s'est confié au journal italien Corriere della Sera . Le sportif a expliqué que la jeune femme, qui a grandi dans une famille pauvre de Mogadiscio, a tenté de rejoindre l'Italie à bord d'une patera, ces embarcations utilisées par les immigrants clandestins.

Parlez-moi de l’esprit sportif, essayez de m’expliquer l’esprit des Jeux ? Je suis certain que cette jeune femme a dû écrire, téléphoner demander de l’aide pour venir courir en Europe, revenir dans l’arène des Jeux. Il n’y a donc eu personne pour la soutenir ? Il paraît qu’il y a une organisation des J.O.?

L’enquête est à faire, cela ferait un joli numéro d’Envoyé Spécial.

Et puis, pour une fois, il y a un nom, une histoire à raconter en entier sur un clandestin noyé en Méditerranée. Toutes ces personnes qui meurent sans mot dire, sans maudire, comme l’homme qui s’est immolé par le feu, le jour où, administrativement, on lui expliquait la raison de sa radiation du RSA. Lui on ne connaît pas son nom, ni son histoire.

Pour les guerres ont fait des monuments aux morts avec un soldat inconnu.

Pour une fois que l’actualité met un nom, un visage sur une victime de la guerre économique. Pourquoi ne pas en faire un monument à tous les clandestins noyés ?

Moi si j’étais athlète, sportif et si j’avais reçu une médaille à Londres, je ferais une enquête, et à la suite de ce travail, j’organiserais une conférence de presse et  je rendrais ma médaille aux dirigeants des Jeux, en mémoire de Samia Yusuf Omar.

un effacement symbolique?un effacement symbolique?© France 2

Le reportage de France 2 montrait le joli visage de la jeune femme sur fond de carte – il n’y avait pas d’autres images, alors il fallait meubler – et, dans un souci esthétique obscène, l’infographiste faisait fondre la photo de Samia Yusuf Omar, comme pour la noyer une deuxième fois. Cela m’a fait penser à l’article Jacques Rivette, à propos de Kapo de Gillo Pontecorvo : « Voyez, cependant, dans Kapo, le plan où Riva se suicide en se jetant sur les barbelés électrifiés ; l'homme qui décide, à ce moment, de faire un travelling-avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d'inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n'a droit qu'au plus profond mépris. » (De l'abjection, Cahiers du Cinéma, 120, juin 1961)

Il n’y a pas que les travellings qui sont affaire de morale.  Représenter la mort, c’est une question que peu de journaliste se posent.

Il y a plus de 2300 ans, les peintres, dit du Fayoum, peignaient des portraits individuels et ressemblants de chaque personne décédée pour lui permettre de rejoindre l’au-delà. L’individu dans l’Égypte ancienne était-il plus important qu’aujourd’hui ?

L’obligation de porter secours en mer existe depuis les Phéniciens. En 2009, la cour du tribunal d’Agrigente (Sicile) a condamné deux pêcheurs tunisiens, qui avaient porté secours à 44 migrants à bord d’une embarcation gonflable au large de Lampedusa, à trois ans et demi de prison, la confiscation du bateau et une amende de 440 000 euros pour résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique et à navire de guerre. Les deux chalutiers avaient en effet forcé l’entrée du port de Lampedusa pour sauver les migrants. En septembre 2011, les pêcheurs seront relaxés, mais le mal était fait.

La mort de Samia Yusuf Omar me fait penser aussi aux perdants, aux exclus de tout bord.

Et est-elle morte juste pour cela ? Pour participer ?

C’est tellement chouette l’esprit Olympique. Le magnifique Teddy Riner avec son maire qui se trouve là dans la seconde pour être sur la photo, le très sportif Balkany. Les incroyables jeunes nageurs de l’école de Nice, qui ne sont là que pour « se faire plaisir » en toute modestie.

Soyons clair, je n’ai rien contre ces personnes, je suis même ému aux larmes quand je les vois. Je ne vois que des sourires de forçats, conditionnés, pris dans l’étau d’une tâche à la Sisyphe, pour le seul profit des sponsors publicitaire. J’entends la phrase d’une joueuse: « comme cela on voit que les racailles du 93, elles sont là ». Il lui faut devenir joueuse de réputation mondiale pour être acceptée en France ? Les Jeux Olympiques rendent plus blanc que blanc ?

Pourquoi une Samia Yusuf Omar ne pouvait-elle pas venir en Europe pour s’entraîner ?

Je pense à tous ces destins, cette iranienne qui remercie la France, parce qu’elle a tout sacrifié, pour trouver un pays qui lui permette de gagner une médaille. Je pense à tous ceux qui ne l’auront jamais la médaille, tous ceux qu’on ne nous montrera jamais, tous les éclopés qui ont été éliminé par la compétition, la sélection. Quand j’écris ce mot, il me glace. Je ne comprendrais jamais le bonheur d’être sélectionné.

Samia Yusuf Omar est-elle morte de ne pas avoir été sélectionnée ?

Elle est morte, et tous les athlètes souffrent pour une petite médaille ?

Je pense à toute cette souffrance qui se résume par cette phrase prononcée par tous les athlètes après la victoire – un cliché – « Je n’arrive pas à me rendre compte ». En effet, ils ont raisons tous ces petits gosses : il n’y a rien à comprendre ! Cela me fait penser à la phrase d’Éric Satie : « On m’a dit tu verras quand tu auras 50 ans ! J’ai 50 ans, et j’ai rien vu ».  Tout çà pour çà ? Toutes ces années pour une breloque ? Pour être obligé de continuer à travailler comme un forçat, et recommencer, pour devenir un Stakhanov encore plus performant. Tous ces athlètes ne vous parlerons jamais de la solitude du vainqueur de fond. Ils essayent de faire bonne figure, en rajoutent, jouent à être ce qu’ils ne sont pas. C’est au moment de la victoire qu’ils se rendent compte qu’il n’y a aucun intérêt à être victorieux, cela ne donne rien d’autre que le droit de continuer à participer à un cirque, pour lequel ils sacrifient tout.  Samia Yusuf Omar en est morte ? Travailler plus, pour ne gagner qu’une médaille. Des milliers d’heures de travail sans respect de rien, sans garanti du gouvernement, avec les douleurs et les maladie comme horizon et une vieillesse souvent difficile avec des séquelles.

Les programmes du service public entièrement consacrés à des émissions où se déroule toujours la même histoire, le même scénario : Gagner, prendre la place de l’autre, être le premier, oublier le reste, éliminer les adversaires, leur marcher dessus pour monter sur un podium… Podium, un magazine de yéyé non ? La mise en scène d’une série de drames – c’est le jeu – des blessures terribles – qui montrent le danger du sport –  immédiatement escamotées pour ne pas en évaluer le risque, pour ne pas ternir le spectacle.

Samia Yusuf Omar en est morte ?

La souffrance des athlètes, forçats au propos formatés, des modèles de soumission à un ordre de productivité, d’élimination impitoyable.

Drôle d’esprit, la compétition qui installe l’ordre absolu, la soumission au chrono, au coach, aux règles, à l’entraînement, à la diététique. La discipline, comme une vie d’ermite. It’s more fun to compete.  Participer aux jeux, c’est accepter de sacrifier sa jeunesse, de travailler au delà du possible, devenir un cobaye, un prototype, être soumis à toute sorte de test, j’arrête vous m’avez compris

Samia Yusuf Omar est morte, morte aussi à cause de l’esprit des accords de la convention de Schengen et puis d’un tas d’autres choses.

Mais moi je voulais parler encore de Samia Yusuf Omar.



25/08/2012
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