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plafonner les indemnités de licenciemet(médiapart)

 

Prud’hommes: «Plafonner revient à mettre une étiquette de prix sur les licenciements»

10 MARS 2016 | PAR MATHILDE GOANEC

Le plafonnement des indemnités prud'homales est l'un des plus puissants répulsifs à la loi sur le travail, constamment rappelé par les manifestants lors de la mobilisation mercredi 9 mars. Le chercheur Sebastian Schulze-Marmeling revient sur cette proposition, ainsi que sur l'affirmation selon laquelle les prud'hommes seraient un frein à l'embauche

C'est l'une des mesures les plus critiquées du projet de loi sur le travail. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur saura précisément ce qu’il lui en coûtera de se séparer abusivement d’un salarié, selon son ancienneté dans l'entreprise. Sebastian Schulze-Marmeling, chercheur associé au Centre d’étude de l’emploi, critique sévèrement cette proposition du gouvernement. Spécialiste du conflit au travail, il bat également en brèche une partie du discours patronal. En 2014, il a réalisé une étude qui montre que les conseils de prud’hommes ne sont pas un frein à l’embauche.

La crainte des prud’hommes constitue un frein à l’embauche, dit le Medef, la droite, et désormais la gauche au gouvernement. Rien ne le prouve, dites-vous…

Aucune étude, aucune statistique ne permet d’étayer le fait qu’une entreprise n’embauche pas car elle a peur de se retrouver aux prud’hommes. Et quand on creuse un peu la question avec des employeurs, c’est très anecdotique. Il s’agit toujours de quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a eu toutes les peines du monde à licencier un salarié qui ne faisait pas l’affaire…

Moi, j’ai essayé de regarder si le recours aux prud’hommes avait bien un lien avec des difficultés sur le marché de l’emploi. On se rend compte statistiquement que plus il y a de chômage et donc de personnes licenciées, et plus le recours aux prud’hommes augmente. En clair, ce ne sont pas les procès prud’homaux qui contribueraient à augmenter le chômage, par la peur de l’embauche, mais la hausse de celui-ci qui provoque mécaniquement un recours plus élevé au judiciaire.

 

Sebastian Schulze-Marmeling © DRSebastian Schulze-Marmeling © DR
C’est une question importante. Qu’est-ce qui mène aux prud’hommes ?

 

Pour moi, on rate vraiment quelque chose dans tout ce débat. On parle beaucoup des prud’hommes, mais jamais de ce qui y conduit. Les entreprises où la situation est tendue produisent du contentieux. A contrario, s'il y a un bon dialogue social, le taux diminue nettement. Là où l’on a des délégués du personnel, un comité d’entreprise (CE), un CHSCT, il y a moins de recours aux prud’hommes, parce que cela permet de régler certains conflits en interne, et pousse les employeurs à respecter les règles. Pour vous donner des chiffres, une issue aux prud’hommes diminue de 40 % s'il y a des délégués syndicaux ou des délégués du personnel, de 48 % quand il y a un CE et de 51 % quand il y a un CHSCT. 

Un autre argument avancé par le Medef notamment est le fait que les patrons perdraient systématiquement aux prud’hommes, et que la France est la championne du recours à une juridiction de travail, c’est vrai ?

Les salariés gagnent souvent, c’est vrai, mais ce n’est pas toujours le cas. Par ailleurs, il y a un vrai manque de chiffres sur la qualification, à savoir si c’est un licenciement abusif ou simplement une procédure de licenciement mal faite, mal ficelée. Ensuite, rappelons qu’en France, le recours aux prud'hommes est stable depuis la fin des années 1970. Donc on dramatise vraiment sur cette question. Enfin, même si les comparaisons sont difficiles à faire puisque dans plusieurs pays européens, on règle bien d’autres choses dans les juridictions de travail que le licenciement, ce postulat est sans fondement. En Allemagne, par exemple, le recours est bien plus élevé qu’en France

Sur le plafonnement des indemnités prud’homales, le gouvernement va-t-il dans le bon sens ?

Le raisonnement du Medef et du gouvernement est de sécuriser les employeurs. Or l’insécurité juridique est nécessaire pour que la menace du judiciaire fonctionne ! Le plafonnement, ça veut dire quoi ? Même s'il sait qu’il est en tort, l’employeur va pouvoir prendre le risque de licencier abusivement puisqu’il sait combien cela va lui coûter. C’est comme si l'on mettait une étiquette de prix sur les licenciements, on paye pour ignorer la loi. L’autre hypothèse, c’est que sachant le prix d’un licenciement, les employeurs vont aller vers une conciliation, en donnant juste un peu plus au salarié que le taux d’indemnisation prévu par la loi. Ainsi, on supprime la case prud’hommes.

Y a-t-il un risque que les salariés s’engagent sur d’autres motifs que le licenciement abusif si les indemnités sont plafonnées, par exemple sur le harcèlement, ce qui pourrait considérablement rallonger les procédures ?

Prenons l’exemple du Royaume-Uni, où selon le motif, le jugement est assuré soit par un juge professionnel, soit par un conseil paritaire. Pour assurer le coup, les salariés attaquent souvent pour licenciement abusif et pour discrimination. C’est ce qui peut arriver en France, si les salariés considèrent qu’ils ne seront pas correctement indemnisés en attaquant simplement sur le licenciement abusif. 

Cela dit, est-ce que l’indemnité est le seul moteur pour le recours aux prud’hommes ?

Une procédure aux prud’hommes, c’est compliqué, c’est long, surtout si ça passe en appel, ce qui arrive très souvent. Ce n’est donc pas qu’une question d’argent. Dans les cas que j’ai pu observer qui finissent aux prud’hommes, la recherche de la réparation financière est minoritaire. Souvent, il s’agit davantage d’une réparation devant un sentiment d’injustice. Les gens veulent que soit reconnu le fait que l’employeur « n’avait pas le droit » de les licencier.



11/03/2016
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