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A l’Elysée, le nouveau président s'entoure de fidèles

De l’art de savoir s’entourer. Depuis sa victoire le 6 mai et entre deux entretiens téléphoniques avec les chefs d’Etat étrangers, François Hollande a peu à peu constitué l’équipe qui le suivra mardi à l’Elysée. Dans l’ombre, ces conseillers – ils étaient une quarantaine sous Nicolas Sarkozy – jouent un rôle crucial, notamment en matière de politique étrangère. Aux postes clés de secrétaire général, de secrétaire général adjoint et de conseiller diplomatique, le nouveau président de la République a choisi des soutiens fidèles, souvent dotés d’une solide expérience ministérielle.

  • Le secrétariat général

Au poste stratégique de secrétaire général de l’Elysée – Jean-Louis Bianco l’a été sous Mitterrand, Dominique de Villepin sous Chirac, Claude Guéant sous Sarkozy –, François Hollande a choisi un préfet de gauche qu’il connaît de longue date : Pierre-René Lemas, 61 ans, camarade de la promotion Voltaire à l’ENA (également fréquentée par de nombreux proches du nouveau président de la République comme Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet, Jean-Maurice Ripert ou Dominique Villemot, ou encore par Ségolène Royal).

Depuis la victoire de la gauche au Sénat en octobre 2011, Lemas était directeur de cabinet de son président, Jean-Pierre Bel, soutien de longue date de François Hollande. Autre avantage, ce préfet a déjà fréquenté les cabinets ministériels socialistes, notamment ceux de Gaston Defferre et de Pierre Joxe au ministère de l’intérieur. « Il est d'une grande intégrité morale, intellectuelle et politique ; il est fidèle, loyal et compétent et partage avec François Hollande une dimension humaine », dit de lui un de ses proches. Avant d'ajouter : « Et il n'a pas intrigué pour être à ce poste-là. » Un comportement que le nouveau président a souvent dit apprécier.

Lemas fait aussi figure de symbole des préfets victimes du sarkozysme triomphant : alors qu’il était directeur général de l’administration – le patron des préfets – entre 2000 et 2003, puis préfet de Corse et de Lorraine, il est nommé au poste nettement moins prestigieux de directeur des journaux officiels en 2007. « A l'époque, il a appris le mardi soir qu'il devait quitter la Lorraine le lendemain. Il a dû faire sa valise en 48 heures », dit un proche. Lemas ne restera qu'un an aux journaux officiels : l’année suivante, il est coopté par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, pour devenir directeur général de Paris Habitat.

A ses côtés, Nicolas Revel et Emmanuel Macron arrivent comme secrétaires généraux adjoints. A 34 ans, celui-ci entame déjà une cinquième vie. Car ce jeune homme pressé a des curiosités et des centres d’intérêt multiples auxquels il n’aime pas renoncer. A la mi-avril, tout en conseillant, en tant qu’associé de la banque Rothschild, le groupe Nestlé, opposé à Danone, pour le rachat de la division nutrition infantile du groupe Pfizer, pour 11,9 milliards de dollars, il continuait à s’entretenir quotidiennement avec les proches de François Hollande, les abreuver de notes et de réflexions sur la crise, la macroéconomie, les banques et autres.

Sa première vie fut pour la philosophie. Il devint assistant de Paul Ricœur, commença une thèse, avant de s’apercevoir que tout cela n’était pas pour lui. « Paul Ricœur a fait ses grands livres après 60 ans. Je n’avais pas cette patience. C’était trop lent pour moi », explique-t-il. Alors il entama sa deuxième vie et bifurqua vers des études plus co,formes à l'air du temps: Sciences-Po l’ennuya par son conformisme, l’ENA le passionna. Il y découvrit la vie de l’Etat, l’administration, le pouvoir et la politique. Il termina comme il se devait, dans la botte, à l’Inspection des finances.

« Sarkozy m’a beaucoup aidé et les socialistes du Pas-de-Calais aussi », dit-il pour résumer la suite, comme quoi la philosophie lui a au moins appris à relativiser les situations. D’autres y auraient vu au contraire un fâcheux coup du sort. Car à peine ses études achevées, il est tenté par une troisième vie : la politique. Il s’embarque pour faire de la politique locale dans le Pas-de-Calais. Mais entre le jeune inspecteur des finances et les caciques de Liévin, le courant ne passe vraiment pas. Les locaux ne voient en lui qu’un jeune ambitieux venu bousculer les jeux locaux. « J’étais le jeune mâle blanc, ce qui ne pouvait constituer qu’un handicap. Ils n’ont jamais considéré que je pouvais leur apporter quelque chose », raconte-t-il, encore amer, après cette expérience.

Retour donc à l’Inspection des finances à temps plein. En 2007, lorsque Nicolas Sarkozy est élu, tous les jeunes de l’Inspection des finances se précipitent pour entrer en cabinet ministériel : la voie royale pour la suite. « Toute ma promo est partie », dit-il. Pour sa part, Emmanuel Macron refuse, en dépit des multiples sollicitations notamment pour rejoindre le cabinet d’Eric Woerth au budget. Questions de convictions. Lui est à gauche, de gauche libérale certes, mais de gauche. Le voilà donc en quarantaine : chargé de mission au Quai d’Orsay.

C’est là que Jacques Attali, chargé par Nicolas Sarkozy d’animer une commission pour la croissance, vient le chercher. Dans la quarantaine d’experts, économistes, conseillers en tout genre qui participent aux travaux, il n’y en a pas tellement qui ont les idées, la plume et le temps pour organiser les réunions et en rédiger les comptes-rendus. Deux mois après, Emmanuel Macron est nommé rapporteur général de la commission Attali. Présentés en grande pompe, les beaux projets de la commission connaîtront le sort de tant d’autres : à la première menace de grève des taxis, furieux de voir remettre en cause le numerus clausus, le tout est promptement enterré dans un tiroir.

Mais cet interlude a permis à Emmanuel Macron d’élargir son cercle de connaissances, de rencontrer d’autres personnes et de réfléchir. Il n’a plus envie de repiquer à l’administration sous l’ère Sarkozy. Il veut un travail autre, plus international, qui lui permette de comprendre le privé, la vie des affaires, ce qui structure vraiment l’économie. « Tu devrais regarder dans la banque d’affaires », lui suggère Serge Weinberg, ami de Jacques Attali, qui le présente à la banque Rothschild. Il rencontre tous les associés et est coopté. En septembre 2008, il entre dans la maison. « J’ai eu de la chance. J’avais un parcours très peu intelligible. Personne ne pouvait le comprendre ailleurs que chez Rothschild », dit-il.

La quatrième vie commence : celle de banquier d’affaires. Emmanuel Macron apprend le monde des entreprises, les techniques financières, les opérations internationales, le big business : « Les grandes rationalités et ses aberrations », comme il le dit lui-même. Il s’y amuse et y réussit : en 2011, il devient le plus jeune associé-gérant de la banque. Mais il n’ignore pas combien cette vie de vif-argent, surpayée, a ces limites : rien ne s’y construit sur le long terme. Surtout, il n’a pas oublié la politique.

Parce qu’il considère qu’il est impossible de laisser faire sans réagir, il propose gracieusement son aide en 2010 à la société des rédacteurs du Monde, au moment où celle-ci se bat seule une dernière fois pour son indépendance. Son plan est simple et audacieux : oser aller jusqu’au dépôt de bilan pour apurer la situation financière et renégocier avec les créanciers. Mais ni la direction du journal, ni les banquiers, ni le pouvoir élyséen n’ont envie d’une telle solution : Le Monde doit se normaliser et devenir un journal comme un autre. Avec regret, il regarde les journalistes du quotidien pris au piège, n’ayant d'autre issue que de choisir leurs repreneurs.

Dans le même temps, il a déjà commencé à travailler avec des proches de François Hollande sur ce que pourrait être un futur programme économique. Son nom fut naturellement prononcé comme un des membres de l’équipe de l’Elysée, dès l’élection. Même s’il y eut quelques hésitations sur le poste : conseiller économique ou secrétaire général adjoint. Il est attendu à la fois sur les dossiers économiques mais aussi pour assurer un relais avec le monde des affaires que le président connaît peu.

La banque Rothschild s’est quant à elle résignée à voir partir un de ses associés-gérants les plus prometteurs. Cela devient une habitude d’aller puiser chez elle des responsables pour la République. En 2007, Nicolas Sarkozy était allé aussi rechercher son ancien directeur de cabinet, François Pérol, devenu associé-gérant de la banque, pour le nommer secrétaire général adjoint.

Quant à Nicolas Revel, il constitue la seule surprise des noms circulant pour l'Elysée: il est l'actuel directeur de cabinet de Bertrand Delanoë et haut fonctionnaire de la cour des comptes. Il a déjà participé à un cabinet ministériel, auprès de Jean Glavany à l'Agriculture. Très proche du maire de Paris, il était resté discret pendant la campagne et n'avait pas participé à la primaire aux côtés de François Hollande. «C'est la reconnaissance d'une compétence. C'est un type d'une intelligence hors du commun qui faisait tout tourner à la mairie de Paris», dit un conseiller socialiste.

Le cabinet devrait lui être dirigé par une femme. 

  • Le conseiller diplomatique

Le premier à avoir été officiellement nommé est le conseiller diplomatique de François Hollande, Paul Jean-Ortiz, dont le nom a filtré trois jours à peine après l’élection du socialiste. Avec son équipe de jeunes “technos” issus du Quai d’Orsay, il a organisé et préparé la quarantaine de coups de téléphone et entrevues organisés ces dix derniers jours avec ses homologues étrangers. Il était là, bien sûr, lors des rencontres avec le président du conseil européen Herman Van Rompuy et le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. Il sera aussi du voyage à Berlin, mardi, pour le premier dîner du nouveau couple franco-allemand.

Avec Jean-Ortiz, qui n’occupait aucune fonction officielle pendant la campagne, François Hollande choisit là encore un fidèle. « Il ne l’a pas découvert avant-hier. Ils se connaissent très bien. Ils ont déjà travaillé ensemble, avant même la primaire », explique un conseiller du chef de l’Etat. Paul Jean-Ortiz, 55 ans, est un diplomate chevronné : depuis 2009, ce sinologue réputé (et parlant le mandarin) était directeur Asie et Océanie au ministère des affaires étrangères, après avoir passé de nombreuses années en poste en Chine. Il a aussi été numéro 2 de l’ambassade de France à Madrid entre 2005 et 2009.

Jean-Ortiz a aussi connu par deux fois les cabinets ministériels, celui de la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, Edwige Avice, de 1988 à 1991, et celui du ministre des affaires étrangères de Lionel Jospin, Hubert Védrine, de 1997 à 2000. Un atout pour le conseiller du nouveau chef de l’Etat qui n’a jamais été ministre. « Il a fait beaucoup de cabinets ministériels. Il a une très bonne connaissance des affaires européennes et asiatiques. Et il a une vraie appétence pour les grands pays émergents. Or c’est une évolution qu’on doit conduire dans la diplomatie française dans les années à venir », détaille un de ses amis.

Autre avantage, Paul Jean-Ortiz, qui succède à Jean-Daniel Levitte, ne fait pas figure d’épouvantail auprès d’une des écoles de politique étrangère du Parti socialiste : ancien conseiller d’Hubert Védrine, tenant de la ligne dite “gaullo-mitterrandienne” (hostilité à l’OTAN, défense d’une politique étrangère autonome, critique de l’Union européenne, plutôt pro-arabe), « il est Moscovici-compatible », juge un conseiller. Le directeur de campagne de Hollande, député du Doubs, incarne lui une ligne plus atlantiste, attachée aux liens avec les Etats-Unis et à la construction européenne, et jugée plus pro-israélienne. « Paul Jean-Ortiz a aussi des convictions européennes fortes », assure un diplomate.

Aquilino Morelle.Aquilino Morelle.© Reuters.

Par ailleurs, le chef de l'Etat a prévu de conserver auprès de lui sa “plume”, Aquilino Morelle, ancien du cabinet de Lionel Jospin à Matignon et ancien directeur de campagne d'Arnaud Montebourg lors de la primaire socialiste. Après le 6 mai, le PS lui a bien proposé une circonscription pour devenir député, mais il a décliné et préféré l'Elysée.

Christian Gravel.Christian Gravel.© DR

Hollande a également annoncé lundi devant les journalistes conviés une dernière fois au QG de transition que Christian Gravel sera chargé de la presse au Palais. Bras droit de Manuel Valls à la communication pendant la campagne, il était aussi son directeur de cabinet à Evry et avait déjà travaillé à Matignon sous Lionel Jospin. « C'est l'homme qui ne dit rien mais qui fait beaucoup, quand d'autres parlent beaucoup mais ne font rien », l'a félicité Hollande.



15/05/2012
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